Tous les salariés ayant la qualité d’électeurs au sein de l’entreprise ou de l’établissement doivent participer à la consultation destinée à valider un accord minoritaire. Les salariés qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’accord ne peuvent donc pas être exclus du scrutin.
La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est en principe subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique (CSE). Toutefois, si les organisations syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50 % mais ont recueilli plus de 30 % de ces mêmes suffrages, une consultation des salariés visant à valider l’accord peut être organisée (article L. 2232-12 du code du travail).
Quels sont les salariés qui doivent participer à cette consultation ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 octobre dernier. 
Un périmètre de consultation incertain
La rédaction du code du travail fait peser une incertitude sur le périmètre de la consultation. Deux dispositions du code du travail sont en cause :
  • l’article L. 2232-12, alinéa 5, aux termes duquel participent à la consultation les « salariés des établissements couverts » par l’accord et électeurs aux élections du CSE ;
  • l’article D. 2232-2, alinéa 2, selon lequel le protocole conclu entre l’employeur et les organisations syndicales pour fixer les modalités de la consultation détermine la liste des « salariés couverts » par l’accord au sens du 5e alinéa de l’article L. 2232-12 et qui, à ce titre, doivent être consultés.

Tous les salariés de l’établissement couvert par l’accord doivent-ils participer au scrutin ou bien seulement les salariés concernés (« couverts ») par l’accord ? Autrement dit, au 5e alinéa de l’article L. 2232-12, l’adjectif « couverts » se rapporte-t-il aux salariés ou aux établissements ?

Exclusion par le protocole des salariés non couverts par l’accord

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, était en cause un accord d’établissement sur l’aménagement et la réduction du temps de travail conclu entre un établissement hospitalier et le syndicat CGT (syndicat représentatif mais non majoritaire). A la demande de la CGT, l’employeur avait organisé un référendum afin de valider l’accord mais certaines catégories de salariés n’avaient pas participé au référendum au motif qu’elles n’étaient pas couvertes par l’accord (en l’espèce, il s’agissait des cadres, médecins, pharmaciens et dentistes qui, relevant de la convention collective de l’hospitalisation privée à but non lucratif du 31 octobre 1951, étaient expressément exclus du champ d’application de l’accord, ainsi que du personnel de la maternité déjà couvert par un accord RTT antérieur et toujours en vigueur). Le syndicat CFDT a alors saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation du protocole préélectoral et des opérations de consultation, estimant que tous les salariés de l’établissement auraient dû participer au référendum.

Obligation de consulter tous les salariés électeurs de l’établissement en présence d’un accord intercatégoriel

La Cour de cassation a donné raison à la CFDT. Elle rappelle que selon l’article L. 2232-12 du code du travail, dans les établissements pourvus d’un ou plusieurs délégués syndicaux, participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens de l’article L. 2314-18 issu de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. La Cour en déduit que doivent être consultés l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l’entreprise, sans préjudice de l’application, le cas échéant, des dispositions de l’article L. 2213-13 du même code.

Tous les salariés de l’établissement auraient donc dû participer au référendum de validation, y compris ceux qui ne sont pas couverts par l’accord, c’est-à-dire ceux qui n’entrent pas dans son champ d’application et ne sont donc pas bénéficiaires des mesures qu’il prévoit. Le protocole spécifique destiné à organiser le référendum ne pouvait donc pas exclure ces catégories de salariés.

Signalons que le tribunal d’instance de Puteaux avait déjà adopté cette position dans une décision du 2 juin 2017 (TI Puteaux, 2 juin 2017, n° 12-17-000127). Était en cause un accord d’établissement ayant pour objet d’encadrer les « chantiers à délais contraints », c’est-à-dire de fixer les conditions d’intervention de certains agents de maintenance pour des réparations urgentes d’installations. Alors que le protocole conclu entre l’employeur et les organisations syndicales avait ouvert le vote à tous les salariés de l’établissement, un syndicat estimait au contraire que seuls auraient dû être appelés à voter les salariés de l’établissement réellement concernés par l’accord, à savoir ceux susceptibles d’intervenir sur les chantiers à délais contraints (ce qui ne représentait que la moitié des salariés de l’établissement). Le tribunal de Puteaux n’a pas suivi le syndicat et a jugé que tous les salariés de l’établissement devaient être consultés.
 

Attention, le principe dégagé par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 octobre 2019 ne vaut qu’en présence d’un accord intercatégoriel, comme en l’espèce. Lorsqu’est en cause un accord minoritaire catégoriel, la Cour prend soin de préciser que les règles spécifiques de l’article L. 2232-13 du code du travail s’appliquent. Ainsi, lorsque l’accord ne concerne qu’une catégorie professionnelle déterminée relevant d’un collège électoral (les cadres par exemple), la consultation doit être menée à l’échelle du collège électoral ; dans cette hypothèse, seuls participent donc à la consultation les salariés relevant dudit collège.

Précision quant à la portée de la notification de la demande de référendum

L’arrêt du 9 octobre 2019 ici commenté fournit une autre précision utile concernant les modalités d’organisation du référendum de validation d’un accord minoritaire, et plus précisément concernant les modalités de notification de la demande de référendum. Les articles L. 2232-12 et D. 2232-6 du code du travail prévoient en effet que la ou les organisations syndicales sollicitant l’organisation du référendum doivent notifier leur demande par écrit à l’employeur et aux autres organisations syndicales représentatives dans un délai de 1 mois à compter de la date de signature de l’accord. Or, en l’espèce, le syndicat CGT n’avait pas notifié sa demande par écrit à la CFDT dans ledit délai ; c’est l’employeur qui avait suppléé cette carence et informé la CFDT.

Selon la CFDT, cette carence remettait en cause la régularité de la consultation et le fait pour l’employeur d’y avoir suppléé caractérisait un manquement à son obligation de neutralité.

Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle juge en effet que la régularité de la demande formée, en application de l’article L. 2232-12 alinéa 2 du code du travail, par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, aux fins d’organisation d’une consultation des salariés pour valider un accord signé par les organisations syndicales représentatives représentant plus de 30 % des suffrages exprimés n’est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais prévus à l’alinéa suivant. Et la Cour d’ajouter qu’en l’absence de notification par le syndicat à l’origine de la demande, l’information donnée par l’employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l’obligation de neutralité de l’employeur.

Source – Actuel CE