Solidaires va participer à la journée d’action du 24 septembre lancée par la CGT contre la réforme des retraites, mais soutient aussi des actions pour le climat. L’union syndicale veut croire, malgré les divisions, que les mouvements sociaux liés à la défense de certains régimes, comme celui de la RATP vendredi dernier, conduiront à une possible unité syndicale.

Installée désormais plus au large dans le 10e arrondissement parisien, rue Grange aux Belles, dans un bâtiment qui abrita autrefois une bourse du travail et plus récemment le bijoutier Cartier, d’où la porte blindée, l’union syndicales Solidaires a fait hier matin un point presse sur la rentrée sociale.

Fort de 110 000 adhérents, le syndicat, qui revendique être une union -et non une confédération- au « fonctionnement horizontal et non vertical », dit enregistrer une progression, tant dans le public (collectivités territoriales) que dans le privé (transports urbains, industrie, BTP, commerce et services, chimie, et milieu associatif).

Difficile avec le CSE d’avoir une activité syndicale de terrain 

 

Certains gilets jaunes, auxquels Solidaires a parfois prêté main forte pour trouver une salle et imprimer un tract, auraient même rejoint l’union en se présentant dans leur entreprise lors d’élections professionnelles. A ce sujet, les premiers retours sur l’installation des CSE montrent, selon Eric Beynel, co-délégué général de Solidaires, « des difficultés très importantes pour continuer à avoir une activité syndicale au contact des salariés ». La disparition des CHSCT et des DP éloignent les syndicats du terrain, et Solidaires redoute la même évolution dans le public avec l’avènement de l’équivalent du CSE. « La séquence d’élection et d’installation des CSE a d’autre part rendu très compliquée la mobilisation syndicale sur d’autres sujets », souligne Eric Beynel. 

Dégradation des conditions de travail

Ceux-ci ne manquent pourtant pas aux yeux de Solidaires, depuis la question de la pénibilité croissante du fait de la dégradation des conditions de travail dans de nombreux secteurs (comme dans la logistique, les colis, la grande distribution, par exemple) en passant par la situation des urgences et du service public de façon générale, sans oublier la dégradation des conditions d’indemnisation de l’assurance chômage et, bien sûr, la réforme des retraites. « Nous considérons le mouvement massif de la RATP du vendredi 13 septembre comme un marqueur positif pour ce dossier des retraites qui va nous occuper ces prochains mois », juge Eric Beynel.

 L’exécutif ne discute qu’avec ceux qui sont favorables à un système à points

 

Les responsables de Solidaires appellent de leurs voeux une unité syndicale pour aborder de front cette question. Mais entre la journée FO du 21 et celle de la CGT du 24 septembre -qu’a choisi de rejoindre Solidaires- et l’attitude de la CFDT et de l’Unsa, qui préfèrent jouer le jeu de la concertation avec l’exécutif, c’est peu de dire que l’unité paraît loin d’être acquises. Solidaires observe d’ailleurs ne pas faire partie des syndicats reçus à l’Elysée pour discuter du dossier : « Nous avons participé à la concertation avec Jean-Paul Delevoye jusqu’en juin dernier. Depuis, plus rien. Comme si le Président et le gouvernement avaient fait le choix de ne discuter qu’avec des organisations favorables à un système à points, » avance Cécile Gondard-Lalanne, co-déléguée générale de Solidaires (*).

Sortir d’une défense catégorielle de chaque régime spécial

Le mode de travail choisi par l’exécutif, qui va discuter avec chaque régime spécial pour définir le passage au régime universel, risque de ne pas simplifier la perspective d’une unité possible du monde syndical, et Solidaires en convient : « Quels secteurs seront-ils capables de mobiliser massivement pour négocier au mieux pour leur propre compte ? On comprend bien sûr l’intérêt de chaque secteur, mais c’est bien la prise de conscience des salariés qu’il n’y aura que des perdants avec cette réforme qui pourra nous faire sortir d’une logique de défense purement sectorielle. Il faut profiter du temps donné par le gouvernement sur ce dossier pour construire une mobilisation la plus large possible », analysent Cécile Gondard-Lalanne et Muriel Guilbert. « Pourquoi n’y aurait-il pas de possibilité de financer davantage les retraites ? » interroge Eric Beynel en soulignant d’autre part la diminution observée de l’espérance de vie en bonne santé, « un élément qui devrait être crucial pour une réforme des retraites juste » (**). 

 L’index F/H donne lieu à un satisfecit général. Mais peut-être faudrait-il d’abord faire appliquer les textes !

 

Par ailleurs, à propos de l’index F/H, sur lequel le gouvernement doit apporter aujourd’hui de nouveaux éléments d’information, Solidaires juge que l’outil, en dépit de la persistance des écarts salariaux entre femmes et hommes, « donne lieu à un satisfecit général des entreprises, sauf peut-être pour les plus hautes rémunérations », et le juge donc suspect, d’autant que la constitution de l’outil et des panels n’a guère fait l’objet d’un dialogue social dans les entreprises. « Nous avons déjà plein de textes légaux sur le sujet des inégalités femmes-hommes, remarque Cécile Gondard-Lalanne. Travail égal, salaire égal », ça date de 1972 ! Pourquoi ne le fait-on pas appliquer ? Mais pour ça, il faudrait peut-être arrêter de simplement communiquer ». Et le syndicat de noter que le budget du ministère du Travail va diminuer en 2020. Quid des contrôles ?

Enfin, sur le terrain de la prise en compte par l’économie du changement climatique, Solidaires appelle à rejoindre la grève du 20 septembre initiée par les mouvements de jeunesse, « pour une société juste, solidaire et écologique », et à participer aux manifestations organisées le 21 septembre pour le climat, l’union syndicale ayant déposé un préavis de grève spécifique pour ces deux journées dans la fonction publique.

 

(*) Philippe Martinez a demandé ce week-end à être reçu, comme l’ont été la CFDT et l’UNSA, par le président de la République pour parler des retraites.

(**) Si l’on prend l’indicateur évaluant l’espérance de vie sans incapacité (EVSI), il a progressé en France en 2017 pour les femmes et s’établit à 64,9 ans (soit 9 mois de plus), mais il a reculé chez les hommes (62,6 ans, soit un mois de moins), selon la Drees (direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques). Concernant l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans, elle atteint 10,8 ans chez les femmes et 9,2 ans chez les hommes.

Source – Actuel CE