Comme elle l’a fait il y a deux ans pour le travail, la CFDT lance « Parlons retraites », une enquête en ligne sur les retraites. Une façon de recueillir les préoccupations et attentes des salariés et retraités et de chercher à peser dans le débat qui s’ouvre sur la réforme annoncée par Emmanuel Macron.

Lors du 49e congrès de la CFDT à Rennes, la semaine dernière, les militants ont approuvé les termes de la résolution générale, sorte de guide des 4 ans à venir (notre article). Au sujet des retraites, le texte confédéral soutient une évolution vers un régime à points, mais en posant quelques conditions comme le respect des bornes d’âge, la prise en compte de la pénibilité et l’idée d’une « retraite à la carte » (voir notre article et notre encadré ci-dessous). Mais le sujet reste sensible. Pour preuve, 37% des congressistes ont voté un amendement proposant de supprimer la notion de retraites à points, histoire de ne donner par avance aucun blanc-seing à la future réforme voulue par Emmanuel Macron , et qui fait l’objet d’une concertation préalable jusqu’en décembre prochain. Il faut dire qu’une partie des militants a été échaudée par les récentes ordonnances réformant le code du travail, le ton jugé trop conciliant de la CFDT et par le refus du gouvernement de modifier sensiblement ses projets (lire notre article et voir notre vidéo).

De 71 à 115 questions selon le profil du répondant

C’est dans ce contexte que s’inscrit le lancement par la CFDT d’une enquête « Parlons retraites », présentée hier à la presse. Sur le modèle de ce qui a été fait il y a deux ans avec « Parlons travail« , la confédération souhaite donner la parole aux retraités et aux actifs grâce à un site ludique qui propose aussi vidéos d’interviews de militants et simples salariés et retraités ainsi qu’une information sur le système actuel.

Retraités et salariés sont invités à remplir un questionnaire en ligne comportant 71 questions pour les jeunes salariés, 115 pour les actifs de plus de 40 ans et 95 pour les retraités. Les thèmes abordés vont de la pénibilité à l’âge du départ en passant par la vieillesse, la transition, la préparation à la retraite. « Nous voulons nourrir le débat public et soutenir les propositions de la CFDT avec une grande enquête ouverte sur un sujet qui habituellement déchaîne les passions ou est traité sur le mode anxiogène », explique Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT.

50 000 réponses espérées d’ici fin août

En ligne depuis quelques jours, le questionnaire a déjà été rempli par 9 000 personnes. Prudente, la CFDT ne table pas sur le même succès que « Parlons travail », qui a été renseigné par plus de 200 000 personnes. « Avoir 50 000 personnes constituerait déjà un matériau pertinent pour l’analyse », avance Laurent Berger. En septembre prochain, les réponses aux questionnaires reçues jusqu’à fin août seront analysées par une équipe de chercheurs emmenés par le statisticien Serge Volkoff et l’économiste Anne Jolivet, en vue d’une restitution en octobre 2018.

L’opération, qui bénéficie d’un budget de 220 000 euros, écarte délibérément les questions très précises ou très techniques sur la future réforme. « Nous voulons d’abord recueillir un ressenti, du vécu et surtout les aspirations des retraités et des salariés. ll y aura un temps de débat interne à la CFDT suite à ces remontées », poursuit le secrétaire général de la CFDT. L’enquête, estime la confédération, va renforcer a crédibilité du syndicat qui va participer à la concertation sur la future réforme conduite par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, l’ancien président du conseil économique, social et environnemental (CESE) : « Il est trop tôt pour se prononcer sur le fond. Pour l’instant, nous ne pouvons que nous féliciter de la méthode et de la qualité de l’écoute du haut-commissaire », a prudemment indiqué Frédéric Sève, en charge du dossier des retraites au sein de l’équipe confédérale.

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Ce recueil des préoccupations et des attentes des salariés à propos des retraites permettra-t-il à la CFDT de peser davantage auprès du gouvernement que lors des ordonnances Travail ? « L’enquête Parlons travail a été lancée avant les ordonnances et nos militants s’en servent toujours pour animer des réunions. Cela renforce notre crédibilité à représenter les salariés et cela contribue à peser dans le débat public sur la question du travail », a répondu Laurent Berger.

Projet de loi Pacte : la question des administrateurs salariés

Et le secrétaire général de préciser qu’une attente forte exprimée par les salariés en 2016 lors de l’enquête « Parlons travail » était d’être associés aux décisions de l’entreprise (notre article). Le syndicaliste fait donc le lien avec la future loi Pacte pour montrer que la CFDT appuie cette revendication : « Le projet de loi comprendrait l’obligation pour un conseil d’administration de 8 membres d’avoir 2 représentants des salariés, cela va dans le bon sens, mais à partir de 12 administrateurs, nous n’obtenons pour l’instant pas de 3e administrateur côté salariés comme le préconise le rapport Sénard-Notat. Nous allons donc pousser pour que les choses bougent, notamment dans les holdings familiales. A partir de 1 000 salariés, il n’est pas normal qu’une entreprise puisse s’exonérer d’avoir des représentants des salariés dans son conseil d’administration ».

Mais sur la réforme des retraites, qu’apportera cette enquête ? « Chacun pourra voir en temps réel ce que disent les gens qui répondent, nous prenons donc aussi un risque, répond Laurent Berger. Quand on pousse des idées, il faut parfois accepter de ne pas gagner ».

Retraites : ce qu’en dit la résolution de la CFDT (congrès de Rennes, juin 2018)
 

« La CFDT milite depuis longtemps pour la création d’un régime unifié, par répartition, plus simple, plus lisible, plus juste. L’amélioration partielle de l’équilibre financier global devrait permettre aujourd’hui d’avancer sur cette voie, c’est à dire de réformer en profondeur et de façon structurelle notre système. Pour cela nous souhaitons :

  • prendre en compte avant tout la durée de cotisation (avec le maintien des bornes d’âge), la pénibilité et l’usure au travail à travers le compte professionnel de prévention, et renforcer le dispositif des carrières longues;
  • revoir les avantages non contributifs (familiaux et conjugaux), obtenir plus d’équité pour les polypensionnés;
  • améliorer les basses pensions, revoir le système d’indexation des droits à pension pour plus d’équité;
  • renforcer la connaissance des droits des affiliés et mettre en place une véritable « retraite à la carte »;
  • poursuivre l’harmonisation des 35 régimes, de manière progressive et concertée, pour aller vers un système de comptes notionnels ou à points qui soit performant tout en préservant la solidarité à travers le système de retraites par répartition;
  • définir un niveau de pension minimum (…) de 100% du Smic pour une carrière complète« 
Retraites : le calendrier à venir et les propositions d’E. Macron durant la campagne
 

Le calendrier de la réforme :

  • De mai à décembre 2018 : une phase de concertation menée avec les partenaires sociaux par Jean-Paul Delevoye, doublée d’une consultation directe des citoyens via une plateforme web jusqu’en octobre
  • Fin 2018 ou début 2019 : présentation des orientations de la réforme et nouvelle phase de concertation avec mise en ligne d’un simulateur pour comparer ses droits avant et après la réforme
  • 2019 : présentation d’un projet de loi en conseil des ministres qui serait examiné durant l’été 2019
  • A partir de 2025 : application de la réforme

Les orientations données par E. Macron lors de la campagne en mai 2017 (voir le programme ici et notre infographie) :

  • maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans
  • réformer les retraites pour créer un système de universel plus équitable (« 1€ cotisé : les mêmes droits pour tous ») mais toujours fondé sur un régime par répartition;
  • le total des droits accumulés sera converti au moment de la retraite en une pension, à l’aide d’un coefficient de conversion fonction de l’âge de départ et de l’année de naissance
  • la pénibilité sera toujours prise en compte
  • lancer une application et un site pour consulter ses droits à la retraite

 

Source – Actuel CE