Définition de l’encadrement et avenir des retraites complémentaires, prime Macron et négociations salariales, négociation chômage et gilets jaunes : l’Ugict-CGT a fait le point hier sur les dossiers chauds de ce début d’année.

En ce début d’année, les techniciens, ingénieurs et cadres ont de quoi s’inquiéter devant l’évolution de la politique sociale en France, ont estimé hier matin à Montreuil, au siège de la CGT, Marie-José Kotlicki et Sophie Binet, les deux secrétaires générales de l’Ugict-CGT, le syndicat des cadres de la confédération, lors d’une conférence de presse.

Premier motif d’inquiétude lié à l’actualité : les négociations salariales dans l’entreprise. « Les cadres bénéficient de moins en moins d’augmentations générales et donc de la redistribution des richesses créées dans l’entreprise. Et ils sont quasiment exclus du bénéfice de la prime Macron », dénonce Sophie Binet. Cette dernière rappelle la hausse de 13% en 2018 des dividendes et rachats d’actions dans les entreprises du CAC 40, une évolution rapportée aux pratiques des grandes entreprises quant à l’attribution de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : 400 à 600€ de prime pour 30% des salariés chez Groupama, 1 000€ pour moins de 60% des salariés de la BNP dont 50% du résultat va aux actionnaires, 600 à 800€ pour 60% des salariés de Renault Trucks dont 50% du résultat esta ffecté aux dividendes, aucune prime chez ST Microelectronics malgré 802 millions de bénéfices, etc.

Chômage : pour l’Ugict, pas question d’accepter une moindre indemnisation des cadres

Second sujet d’inquiétude : la négociation chômage. On sait que le patronat, qui ne veut pas d’un bonus-malus, vient de suspendre sa participation (lire notre article dans cette même édition). Mais ce sont les propos exprimés par la majorité parlementaire qui inquiétent le plus l’Ugict-CGT. Le syndicat craint une mise en opposition, de la part du gouvernement voire du patronat, entre « les salariés les moins payés et les cadres qui gagnent entre 2 000 et 5 000€ et dont on voudrait plafonner l’indemnisation ». Pour Sophie Binet, les cadres ne sont pas ici le problème « mais la solution ». Laquelle ? « Aujourd’hui, les cotisations sont plafonnées à 4 fois le plafond de la sécurité sociale. Si l’on portrait ce niveau à 8 fois le plafond, cela générerait 400 millions d’euros de recettes. Et un déplafonnement total rapporterait 700 millions de ressources supplémentaires ».

Troisième sujet de préoccupation, sans doute le plus important : l’avenir du statut cadre. Pour l’Ugict-CGT, il est indispensable de reforger au niveau national et interprofessionnel une définition de l’encadrement tenant compte de l’éthique et de la charge de travail. Des séances de négociation sont d’ailleurs programmées entre syndicats et patronat les 5 et 29 mars et le 19 avril. Mais le patronat, selon l’Ugict, ne veut pas entendre parler d’une telle définition nationale et interprofessionnelle, les organisations d’employeurs plaidant soit pour une définition entreprise par entreprise soit pour une définition au niveau des branches.

Une définition nationale et interprofessionnelle de l’encadrement est indispensable 

 

« Ce ne serait pas acceptable, car les sujets de la qualification, de l’autonomie, de la charge de travail, du droit d’alerte sont les mêmes quel que soit le secteur, et il faut éviter tout dumping entre les branches ou les entreprises qui nuierait d’abord à la mobilité des cadres, et donc aussi aux PME. En outre, au moment où certains regrettent le manque d’engagement des jeunes diplômés dans l’entreprise, il serait paradaoxal de ne pas leur reconnaître une qualification, car c’est cette reconnaissance qui favorise, on le sait, l’investissement des salariés », soutient Marie-José Kotlicki, laquelle se félicite de l’unité syndicale sur cette question, qui conditionne également la survie de l’association pour l’emploi des cadres (Apec).

L’avenir des avantages de la prévoyance

Rappelons que cette redéfinition du statut cadre s’impose depuis la fusion de l’Agirc et de l’Arcco, les deux régimes de retraite complémentaire, et la suppression de l’Agirc au 31 décembre 2018. Or c’était la convention de 1947 créant l’Agirc (retraite complémentaire des cadres) qui donnait une base légale au statut des cadres, sachant qu’un accord national interprofessionnel de 1983 a précisé cette définition en renvoyant aux branches les droits et moyens d’exercices des responsabilités professionnelles.

Cette question sensible se double d’une interrogation sur la maintien pour les cadres d’un régime de prévoyance favorable, avec une cotisation patronale de 1,50% bénéficiant d’exonérations sociales et fiscales. « Le Medef a proposé de scinder le sujet de la prévoyance de celui de la définition de l’encadrement, afin de sécuriser définitivement les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les employeurs, quitte à renvoyer aux calendres grecques la définition du statut de l’encadrement », ironise Marie-José Kotlicki (voir aussi notre article sur la position de la CFE-CGC).

L’accord de fusion Agirc-Arrco jugé « insoutenable »

Quant au sujet des retraites, la situation créée par la fusion des deux régimes Agirc-Arrco est jugée peu satisfaisante par l’Ugict-CGT : « Cet accord est insoutenable. Il impose aux cadres de travailler un an de plus pour bénéficier d’une retraite à taux plein, sous peine de voir leur pension complémentaire amputée de 10% pendant 3 ans ! »  Le syndicat dénonce également la suppression de la garantie minimale de points (GMP) qui assurait aux cadres ayant un salaire inférieur ou légèrement supérieur au plafond de la sécurité sociale (soit 36% des cadres) un droit annuel à la retraite de 2 101€. Pour faire évoluer ce régime unique de retraite complémentaire dans un sens favorable aux salariés, l’Ugict-CGT propose l’alignement des taux de cotisation entre cadres et non-cadres (soit 7,72€ de cotisation salariale supplémentaire par mois) ainsi qu’une contribution en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dont le taux serait de 1%, et qui serait dégressive selon les efforts faits en matière d’égalité. Les secrétaires générales de l’Ugict assurent que ces deux mesures seraient de nature à combler les déficits et assurer l’avenir du régime complémentaire.

Les enjeux syndicaux et la grève du 5 février

Par ailleurs l’Ugict appelle les salariés à participer à la journée d’action du 5 février lancée par la CGT, une mobilisation jugée d’autant plus nécessaire « que l’on sent bien la volonté du gouvernement d’opposer les catégories de salariés et d’éviter de mettre dans le débat public la question de la taxation des grandes richesses et des multinationales », selon les mots de Marie-José Kotlicki. La CGT prépare son prochain congrès en mettant en effet l’accent, en plein mouvement gilets jaunes, sur les luttes sociales (*). Une façon de ressouder les troupes et remonter la pente, alors que la CGT vient d’être supplantée par la CFDT comme premier syndicat français public-privé confondus ?

La question de notre implantation dans les 2e et 3e colllège se pose  

 

« Cette évolution s’explique par la moindre implantation de la CGT dans les deuxième et troisième collèges lors des élections professionnelles. L’enjeu de la représentativité, c’est bien de nous implanter davantage dans les entreprises, de rendre visible les efforts de l’Ugict en faveur des techniciens, des ingénieurs et des cadres, et de nous déployer davantage dans les métropoles où ingénieurs et cadres sont nombreux », répond Sophie Binet. Le mouvement des gilets jaunes peut-il converger avec le mouvement syndical ? « Les gilets jaunes travaillent sûrement dans des entreprises où les syndicats ne sont pas présents, observe la secrétaire générale de l’Ugict-CGT. Cela pose également la question de notre implantation. Cette création d’un collectif dans les territoires peut-elle se transformer en collectif dans les entreprises ? C’est un sujet compliqué et un enjeu de long terme ».

 

(*) Certains gilets jaunes, comme ici, ont appelé à se joindre au mouvement de la CGT.
 

Source – Actuel CE