C’est une bonne nouvelle pour les représentants de la section syndicale (RSS), mais également pour les délégués syndicaux. La Cour de cassation revoit à la hausse pour ces deux mandats l’indemnité maximale due par l’employeur en cas de violation du statut protecteur contre le licenciement.
Fraîchement désigné, le RSS est licencié
Désigné représentant de la section syndicale d’Altran technologies en août 2012, le salarié est licencié trois mois plus tard pour faute grave, sans que soit sollicitée l’autorisation de l’inspecteur du travail. Le salarié signe d’abord un accord transactionnel avec l’employeur, puis ne tarde pas à demander aux prud’hommes l’annulation de la transaction et du licenciement.
En justice, le caractère illicite de l’éviction est manifeste. Les débats se cristallisent en revanche sur l’indemnité qui doit être versée au RSS au titre de la violation de son statut protecteur. La cour d’appel de Paris condamne l’employeur à verser 36 mois de salaire, soit 115 250 euros.
L’indemnité est plafonnée, comme pour un élu, à 30 mois de salaire
Avant la réforme de la représentativité syndicale d’août 2008, la Cour de cassation accordait au délégué syndical licencié abusivement une indemnité égale à 12 mois de salaire (quelle que soit l’ancienneté du mandat), correspondant à la période de 12 mois de survie du statut protecteur à l’issue du mandat syndical lorsque ce dernier a été exercé au moins un an (
article L. 2411-3 du code du travail et lire par exemple
l’arrêt du 1er octobre 2003). Postérieurement à cette réforme de 2008,
un arrêt d’avril 2014 semblait confirmer cette solution. La censure de cette indemnité de 36 mois de salaire n’étonne donc pas.
Mais la Haute Cour surprend tout de même en modifiant radicalement sa jurisprudence : « Le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois », est-il énoncé. En d’autres termes, les juges alignent le droit à indemnisation du RSS (et du DS) sur celui de l’élu du personnel abusivement licencié et qui ne souhaite pas être réintégré (le plafond d’indemnités passe ainsi de 12 mois à 30 mois).
Cette évolution jurisprudentielle trouve très certainement sa justification dans le fait que depuis 2008 les mandats syndicaux ne sont plus à durée indéterminée, mais au contraire tombent automatiquement à chaque renouvellement du CE/CSE (article
L. 2143-11 du code du travail pour le délégué syndical et
L. 2142-1-1 du code du travail pour le RSS). Si le DS ou RSS reste révocable à tout instant par son syndicat, ce sont en premier lieu les élections professionnelles qui mettent fin aux mandats syndicaux.
Cette solution devrait en pratique principalement bénéficier au RSS plutôt qu’au DS. En effet, pour être délégué syndical, il faut nécessairement s’être présenté aux élections professionnelles et avoir obtenu un score personnel d’au moins 10% des suffrages valablement exprimés. Il en résulte mécaniquement que le délégué syndical est le plus souvent un élu du personnel, et bénéficiait déjà du plafond d’indemnités de 30 mois de salaire. Tel n’est pas le cas du RSS, dont la mission principale est d’aller gagner la représentativité pour son syndicat. |
Une possible meilleure indemnisation du titulaire d’un mandat syndical ?
Faut-il en conclure que les statuts protecteurs des mandataires syndicaux et salarié élus sont enfin parfaitement harmonisés s’agissant de l’indemnisation du licenciement sans autorisation de l’administration ? Rien n’est moins sûr. En effet, à l’expiration de son mandat, l’élu au CE/CSE reste protégé six mois. Alors que le DS ou RSS est quand à lui protégé 12 mois à l’issue du mandat, à condition de l’avoir exercé au moins un an. Même si le plafond indemnitaire de 30 mois s’impose désormais à tous, le DS ou RSS peut ainsi être « avantagé » par la survie plus longue de sa protection contre le licenciement (ce qui n’est peut-être qu’un juste retour des choses, dans la mesure où les titulaires d’un mandat syndical s’exposent certainement davantage à d’éventuelles représailles patronales que les élus « classiques »).
Exemple : un élu au CSE est licencié sans autorisation de l’administration 12 mois avant le renouvellement de l’instance et ne demande pas sa réintégration. Il peut alors prétendre à 18 mois de salaire au tire de la violation du statut protecteur (12 mois jusqu’aux élections + 6 mois de survie du statut protecteur).
Un RSS est licencié le même jour, également à 12 mois des prochaines élections. À notre sens, ce dernier peut prétendre à 24 mois de salaire s’il exerce son mandat depuis au moins un an (12 mois jusqu’aux élections + 12 mois de survie du statut protecteur).
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