Le délégué syndical n’est pas l’interlocuteur unique de l’employeur pour ce qui concerne les manifestations de l’action syndicale, et notamment pour la diffusion de documents syndicaux par la messagerie électronique de l’entreprise. L’employeur qui fait opposition à la diffusion d’une communication syndicale sur la messagerie de l’entreprise parce qu’elle a été proposée par le représentant syndical au CE et non le délégué syndical commet un délit d’entrave.

Le représentant syndical auprès du comité d’entreprise (RS au CE) d’un groupe pharmaceutique sollicite en mai 2012 la publication d’un tract et d’un courrier syndical par la voie de la messagerie de la société. A ce sujet, le groupe pharmaceutique dispose d’un accord d’entreprise qui prévoit que les organisations syndicales présentes dans l’entreprise ont la possibilité de diffuser des tracts par la messagerie professionnelle de l’entreprise. La procédure prévue par cet accord est la suivante : les organisations syndicales doivent adresser un mail au responsable des relations sociales et au directeur des ressources humaines de l’entreprise, qui doivent relayer le message dans les 48 heures via une boîte mail dédiée. Si cette procédure n’est pas respectée, l’employeur se réserve le droit de ne pas diffuser le tract.

La loi ne permet toujours pas la diffusion de tracts sur la messagerie professionnelle

L’article L. 2142-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu’au 31 décembre 2016 (alors applicable à cette affaire), n’envisageait l’accès par les organisations syndicales à l’intranet et à la messagerie électronique de l’entreprise que par la négociation d’un accord conclu préalablement. A défaut d’accord, les syndicats ne pouvaient pas utiliser l’intranet ou la messagerie de l’entreprise.

Bien que l’article L. 2142-6 du code du travail ait été modifié par la loi « El Khomri » du 8 août 2016 pour une meilleure communication via l’intranet de l’entreprise lorsqu’il existe, la nouvelle rédaction de cet article ne fait toujours pas mention de la messagerie électronique. Ainsi, la diffusion de tracts et publications syndicales sur la messagerie électronique de l’entreprise n’est possible qu’à la condition d’être autorisée par l’employeur ou organisée par accord d’entreprise (lire l’arrêt du 25 janvier 2005).

 
Or, l’employeur refuse de diffuser ledit tract. Selon lui, le délégué syndical est le seul porte-parole d’une organisation syndicale. Il est donc le seul habilité à communiquer valablement des tracts ou publications syndicales afin que l’entreprise les diffuse.

Le RS au CE peut demander la diffusion de tracts syndicaux

La Cour de cassation devait alors répondre à la question suivante : la diffusion de documents syndicaux par l’intranet ou la messagerie de l’entreprise est-elle un droit exclusif du délégué syndical ? Non, répond la Cour de cassation, qui valide l’interprétation de la cour d’appel. Les dispositions légales (article L. 2142-6 du code du travail), tout comme l’accord d’entreprise applicable, prévoient que ce droit appartient aux organisations syndicales. De ce fait, chaque membre de la section syndicale, y compris le représentant syndical au comité d’entreprise, a qualité pour demander la diffusion de tracts syndicaux. Cette fonction n’est, en aucun cas, réservée au délégué syndical. Dès lors, l’entreprise qui a refusé de diffuser les documents à la demande du représentant syndical au CE dans les 48 heures de la demande, comme le prévoit l’accord d’entreprise applicable, est coupable d’un délit d’entrave au droit syndical.

Source – Actuel CE